Le télescope James-Webb scrute les veines de gaz à travers une galaxie spirale barrée
Une galaxie spirale barrée sondée par le télescope spatial James Webb. Les astronomes étudient les relations entre la sous-structure veinée de gaz et de poussière, la formation des étoiles avec la galaxie à grande échelle.
Voici la galaxie NGC 1365 vue par le télescope spatial James-Webb. Cette image nous dévoile l’intimité de cette grande galaxie spirale barrée (200 000 années-lumière de diamètre, soit le double de la Voie lactée) située dans l’amas de Fornax — peuplé d’une cinquantaine de galaxies —, à 55 millions d’années-lumière de nous. La vue perçante du puissant télescope spatial nous révèle et détaille son squelette sombre et froid, habituellement caché, et l’intérieur des bras de cette galaxie structurée par une longue barre centrale connectée au trou noir supermassif, bien visible ici et quasi ponctuel en plein cœur de la mêlée. La barre se prolonge des deux côtés en bras qui se recourbent et sont particulièrement fertiles en étoiles (des taches rose plus brillant qu’ailleurs trahissant la levée de centaines de nouvelles étoiles).
Étudier les relations entre les veines de gaz et la morphologie de la galaxie
Cette image traitée avec talent par Judy Schmidt (voir aussi les précédentes) a été collectée pour le programme PHANGS (Physics at High Angular resolution in Nearby GalaxieS), important sondage en profondeur de galaxies relativement proches de la nôtre, la Voie lactée, et visant « à comprendre l'interaction de la physique à petite échelle des nuages de gaz et la formation des étoiles avec la structure et l'évolution de la galaxie », explique le site. Comment l’activité des nuages à petite échelle influence ou est influencée par l’entité à grande échelle, la galaxie ? Quelles relations se nouent entre ces immenses nuages de gaz et de poussière remplis d’étoiles en gestation, et interconnectés avec la super structure ? Qui influence qui ? Pour avancer dans ce domaine passionnant, les astronomes du projet se nourrissent des observations obtenues avec les télescopes et instruments les plus sophistiqués au monde comme le James-Webb et Hubble dans l’espace, ALMA et le VLT sur Terre, au Chili. (Voir aussi un fragment actif en bordure de la nébuleuse d’Orion observé par Hubble.)
Comme avec les précédentes images de galaxies sondées par James-Web, on a l’impression de voir une toile d’araignée avec ses fils qui se croisent, se cassent et se recombinent. Une immense toile d’araignée composée de minuscules toiles d’araignée à plus petite échelle (chaque nébuleuse). Une étrange toile quand même, formant comme un tourbillon jusqu’au centre où l’araignée guette. D’ailleurs, c’est bien là que de la matière prise au piège du trou noir géant tapi en plein cœur de la toile… s’échauffe ou subit ses rots, ses hoquets. Gargantua est en plein festin.
La sensibilité dans l’infrarouge du télescope spatial nous offre de voir dans une résolution inégalée le vertige des torrents de matière agités au cœur de la galaxie là où les bras géants de la galaxies se rencontrent et s’accrochent. C’est une galaxie avec un noyau très actif, rayonnant du « feu » de ses étoiles qui viennent de naître ou sont sur le point de le faire, ivre d’énergie. Un théâtre avec une activité flamboyante, ce qui n’est plus le cas en s’éloignant du centre. Pour retrouver une effervescence comparable, il faut aller jusqu’aux bords de la galaxie, où des nébuleuses luisent des centaines de nouvelles étoiles. Mais c’est plus modéré. Ces « feux » se sont allumés à la terminaison des longs tentacules de gaz. Qu’est-ce qui a bien pu réveiller la matière dans ces contrées à la lisière de la grande forêt d’étoiles ?
Sur l’image d’Hubble de NGC 1365 (ci-dessus), prise par l’instrument WFC3 dans le visible, le proche-infrarouge et l’ultraviolet, nous voyons davantage la chair, les muscles qui habillent le squelette de gaz, et les choses apparaissent un peu différente, notamment la nuée d’étoiles entre la barre centrale et les bras spiraux sombres, quasi absentes de l’image de James-Webb. Ce dernier nous montre la sous-structure complexe de la galaxie et ses méandres de gaz froids et de poussière. Les myriades d’essaims de jeunes étoiles bleues forment un beau feu d’artifice sur les bords de la galaxie. Quant au trou noir géant au centre, on distingue aussi sur ce cliché le torrent flamboyant qui l’entoure.
Le regard de James-Webb nous montre l’invisible, le monde froid des ténèbres et comment la matière irrigue les veines et les artères d’une galaxie, se connecte et nourrit les forges d’étoiles.