Les légendaires Pléiades
« Elles sont l’objet d’une estime plus grande que toutes les autres, parce que leur lever est un signe de l’été et que leur coucher indique l’hiver, un phénomène qui ne se produit pas, d’après ce qu’on rapporte, pour les autres astérismes ». Hygin
Nombreux sont les mythes et les légendes que l’on raconte sur les Pléiades à travers le monde… Voici la saveur de ceux répandus dans le monde grec et romain depuis plus de deux millénaires.
Quand voir les Pléiades ?
Les Pléiades, ou plutôt la Pléiade (pour « plusieurs »), comme elles étaient nommées bien avant Homère, est un groupe d’étoiles blotties dans la nuit que l’on peut admirer entre le buste du Taureau céleste, au regard plein de fureur, et Persée, de l’automne au printemps. Néanmoins, on peut aussi les surprendre au cœur de l’été, lorsqu’elles surgissent de l’horizon (nord-est) au milieu de la nuit.
Mais la période durant laquelle il est facile de croiser leur regard sans se coucher tard est celle des nuits les plus longues. Durant tout l’hiver, elles brillent hautes dans le ciel, jusqu’à leur déclin, lorsque les jours se réchauffent. À partir de là, on ne les revoit plus pendant « quarante jours ».
« Au lever des Pléiades, filles d’Atlas, commencez la moisson, les semailles à leur coucher, exhorte Hésiode dans Les travaux et les jours. Elles restent, on le sait quarante nuits et quarante jours invisibles ; mais l’année poursuivant sa course, elles se mettent à reparaître quand on aiguise le fer. Voici la loi des champs, aussi bien pour ceux qui habitent près de la mer que pour ceux qui, dans le pli des vallons, loin des flots houleux, vivent sur de grasses terres ».
Ainsi les Pléiades sont-elles des guides très prisées des Hommes pour leur annonce des saisons. Une tradition aux racines très anciennes (remontant jusqu’au Paléolithique) dont Hésiode s’en fait l’écho, partagée par beaucoup de peuples, de génération en génération. Les paysans les guettaient, les marins aussi. Il fallait pouvoir se repérer dans l’année, et ne pas manquer les signes du ciel « adressés aux Hommes », selon les croyances. Le lever héliaque des « Sept Sœurs » les y aide.
Des étoiles « sans éclat »
Dans les textes anciens, d’Homère à Aviénus, l’essaim d’étoiles est souvent dépeint comme terne et manquant d’éclat : « Elles sont, toutes, petites et sans éclat, mais, par la grâce de Zeus, glorieuses sont leurs révolutions à leur matin et à leur soir. Car il leur a permis de signaler l’été, et le commencement de l’hiver avec l’arrivée des semailles » chante ainsi Aratos.
De pâles lueurs, mais ô combien importante comme on l’a vu, qui ont reçu une gloire éternelle. Suspendues très hautes dans le ciel, les Pléiades ne sont certes pas aussi brillantes qu’Aldébaran, l’œil du Taureau, ou que l’étincelante Sirius, tout près d’Orion, mais elles intriguent par leur aspect inhabituel dans la nuit. Notre regard étant inexorablement attiré par cette faible lueur palpitant dans ce coin du ciel. Une lueur que les Yakoutes perçoivent comme un trou dans le ciel par lequel pénètrent les vents. On peut les voir aussi comme un petit tas d’étoiles. Un semis délicat dans le terreau de la nuit.
Pourquoi les Sept filles d’Atlas sont-elles dans le ciel ?
Les Pléiades sont identifiées comme des sœurs chez les Grecs et les Romains, de même dans de nombreuses cultures. Dans la mythologie, elles sont les filles d’« Atlas le Punique qui prit sur lui, socle du ciel, le poids de cette haute charge et sur son épaule fait tourner le vaste éther » rappelle Aviénus, et de Pleione. Et « tandis que cette dernière traversait la Béotie avec ses filles, raconte Hygin, Orion, excité, voulut la prendre de force, et elle s’enfuit. Orion la poursuivit durant sept années, mais il ne parvint pas à la trouver. Jupiter eut pitié des jeunes filles, les plaça parmi les étoiles et, plus tard, quelques astronomes les ont appelées « Queue du Taureau ». C’est pourquoi, encore aujourd’hui, on voit Orion les poursuivre tandis qu’elles s’enfuient vers le couchant ».
D’autres versions, plus courantes, rapportent que ce n’est pas Pleione qui est métamorphosée, mais ses sept filles : « une antique légende donne le nom de sept sœurs (mais six se manifestent par une faible lueur) : Électre, Alcyone, Célaéno, Taygète, Stéropé, Mérope et avec elles, fameuse par l’enfant qu’elle a enfanté, Maia », explique Aviénus. Et dans leurs cas aussi, c’est le violent Orion — Chasseur implacable dont la réputation de géant rustre et cependant très beau n’est plus à faire dans le monde antique — qui les poursuit infatigablement dans tout le pays qui l’a vu naître. Zeus les aurait d’abord changées en colombes — dont le terme grec est peleiade —, avant de les transporter parmi les constellations, aux côtés des héros et animaux légendaires, leur offrant ainsi, comme on l’a vu, une gloire éternelle et immense. Cela allait-il suffire pour garder Orion à distance ? Ont-elles pu enfin retrouver leur tranquillité ? Malheureusement, non. L’incorrigible béotien n’a pas tardé à les rejoindre et, animé du même élan que dans ses terres, les tourmentait, encore et encore, dans les vallées profondes du ciel étoilé. Pour éviter une nouvelle fois un désastre, le maître de l’Olympe s’empressa alors de disposer entre elles et lui l’indomptable Taureau céleste, aux cornes menaçantes pointant sur le Chasseur lubrique.
On les nomme les « Sept Sœurs », mais beaucoup disent que six seulement d’entre elles sont visibles… car l’une d’elles manque à l’appel. Laquelle ? Selon les versions, la grande absente serait Électre ou sa sœur Mérope. Dans les deux cas, c'est parce qu'elles éprouvaient de la honte d'être l'épouse d'un mortel, en l'occurence le roi de Corynthe, Sisyphe.
L’histoire ne s’arrête pas là
Dans le ciel des astronomes, les Pléiades sont véritablement des sœurs, toutes nées du même sein de leur matrice, un entre lac de nuages de poussière et de gaz qui se sont interpénétrés il y a des centaines de millions d’années. Elles ont donc approximativement le même âge et parmi elles, certaines font deux ou trois fois la masse du Soleil, voire plus, tandis que d’autres seulement la moitié ou un dixième.
Si vous les observez dans un instrument, y compris une paire de jumelles, vous verrez qu’elles ne sont pas seulement six ou sept, comme l’œil nu peut le laisser penser, mais plusieurs centaines. L'ensemble forme ce qui s’appelle un amas ouvert, essaim d’étoiles très jeunes qui, au fil du temps et de leurs révolutions dans la Voie lactée, va se disperser progressivement sous la houlette des forces gravitationnelles de la galaxie.
De récentes recherches réalisées avec le satellite d'astrométrie Gaia ont montré que l'amas le plus proche de la Terre, les Hyades, sœurs des Pléiades et dessinant dans le ciel la tête du Taureau, aurait buté sur "un sous-halo de matière noire", provoquant ainsi des perturbations importantes dans l'éparpillement de ses étoiles.